Publié le 16 mars 2021 par Kira Mitrofanoff

EXCLUSIF – L’Ecole Française, qui propose des formations courtes sur Internet, est, selon nos informations, à vendre. Cette société privée voit les candidats affluer ces derniers mois. D’autres champions numériques plus académiques se distinguent aussi, à l’heure où la formation à distance explose.

Quelques minutes ont suffi. A peine rempli le formulaire d’inscription sur le site de L’Ecole Française, vendredi 5 mars, qu’un conseiller appelle. Son discours est parfaitement huilé. “Bravo! Votre reste à charge est égal à zéro avec votre CPF (Compte personnel de formation)”, déroule-t-il comme pour un remboursement de lunettes. Sauf qu’ici, il s’agit d’une formation de quelques semaines avec des vidéos, exercices et fiches à consulter sur Internet. Et en ces temps de confinement, les candidats affluent. “Ils sont plusieurs milliers chaque mois pour apprendre à utiliser les réseaux sociaux, maîtriser le logiciel Excel ou créer son site Internet”, révèle Jean-Charles Brandely, le nouveau PDG. Aujourd’hui, L’Ecole Française est à vendre. Selon nos informations, ses fondateurs, Guillaume Caillot et Thibault Viguier, deux trentenaires venus du marketing, ont confié un mandat à la banque d’affaires Alantra. Elle en espère 500 millions d’euros.

Confinés, les Français utilisent leur CPF à tout-va

Même constat d’affluence pour Skill&You, un réseau d’écoles qui forme en ligne à des métiers dans la boulangerie, la comptabilité, le bâtiment, le management ou la mode. “Nous avons atteint 115 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, en hausse de 30%”, indique Sonia Levy-Odier, sa directrice générale et cofondatrice. Ce mardi 16 mars, ce champion du e-learning boucle son quatrième LBO -trois ans après le précédent- avec une valorisation de 300 millions d’euros. Ce groupe compte actuellement 120.000 élèves à distance dont 13% utilisent leur CPF pour financer leurs études.

Depuis 2018, en effet, chacun dispose de droits en euros pour se former grâce au site Moncompteformation. Selon la Caisse des dépôts, qui gère ce portail, jusqu’à 7.000 personnes par jour s’inscrivent quotidiennement à une formation. Un million l’a fait l’an dernier, deux fois plus qu’en 2019. Car la crise économique et la transformation numérique incitent les salariés à se reconvertir ou à renforcer leurs compétences. “Un actif sur deux dit avoir besoin de se former, affirme Jean-Charles Brandely. Et autant exprime une envie de changer de métier.” Ce dirigeant, passé par Ipsos et Pages Jaunes, a bien saisi l’aubaine mais ses méthodes hérissent les acteurs historiques. L’entreprise, créée en 2017, utilise un marketing “de vendeurs de fenêtres”, et sous sa marque très institutionnelle, elle met en avant des “ambassadeurs officiels” comme Jean-Louis Debré, ex-président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, ou Luc Ferry, ancien ministre de l’Education nationale. Sauf que L’Ecole Française n’a pas un seul professeur. En revanche, son modèle est hyper rentable, avec 4 millions d’euros d’ebitda par mois.

Skill&You compte 120.000 élèves à distance

“France Compétences, qui homologue les formations éligibles au CPF, exige pourtant un accompagnement humain”, rappelle Pierre Dubuc, cofondateur d’OpenClassroom, l’une des belles réussites de la Edtech. Ses coachs ont rendez-vous chaque semaine avec les élèves. De son côté, Skill&You, qui prépare 120.000 élèves à 220 diplômes professionnels jusqu’à Bac+3, emploie 350 tuteurs et formateurs qui enseignent via Internet les gestes techniques et le savoir académique. “On constate un ennoblissement de notre activité, se félicite Sonia Levy-Odier dont le groupe possède Educatel et L’Ecole chez soi, créée en 1891. Il ne s’agit pas de cours sur Zoom.”

Cette ingénierie intéresse effectivement les acteurs de l’éducation privée qui voient le potentiel. “Le digital et l’international sont les deux leviers de croissance de l’enseignement supérieur, souligne Martine Depas, partenaire de la Financière de Courcelles. Or, peu d’organismes maîtrisent la formation à distance.” Ainsi, Studi a été racheté en 2018 par le géant Galileo Global Education, propriétaire de Paris School of Business. Depuis, la société qui compte 30.000 apprenants en ligne, affole les compteurs. “Nous sommes passés de 100 à 650 collaborateurs, détaille Pierre Charvet, son directeur. Et nous serons 1.000 à la fin de l’an prochain.” Son catalogue dispose de 45.000 séquences vidéo configurées selon des parcours qui vont du CAP au MBA. Et l’avenir semble radieux. Non seulement, le plan de relance du gouvernement va consacrer 15 milliards d’euros à l’emploi et l’acquisition de compétences mais les entreprises, voire les régions, peuvent maintenant abonder les comptes personnels de formation. Une révolution pour vaincre, peut-être, le chômage de masse.